Le déjeuner d’Angleur
Nous n’étions
ni le jour de la Toussaint ni le Jour des morts, mais huit jours plus tard,
quand Georges Béranger avait lu dans le journal local une nouvelle qui devait
lui être désagréable :
« Inquiétée par le silence de son locataire,
Maurice Albert Colombani, étudiant en Droit, Mme Duquenoy, concierge, 71bis rue Renkin à Angleur, près
de Liège, frappa à plusieurs reprises à la porte du jeune homme. Comme on ne
lui répondait pas, Mme
Duquenoy prit peur et appela le commissariat de police sis rue de l’Hôtel de
Ville.
« Moins de cinq minutes plus tard, après
quelques questions à la concierge, la serrure de l’appartement était forcée et
le corps inerte d’un jeune homme aux cheveux châtains foncés, aux yeux gris
bleus, grand aux épaules larges, était découvert en travers de la pièce un
revolver à la main. Les policiers ont décrété que la mort était due à une
fièvre de boisson à la suite d’un désarroi total sans doute causé par de
mauvais résultats scolaires.
« D’autres policiers questionnèrent la
concierge sur les allées et venues des petites amies de Maurice Albert
Colombani. Son pensionnaire, a-t-elle répondu, ne recevait jamais de jeunes femmes
dans son appartement. C’était formellement interdit. Alida Kaczmarek, la seule
amie qu’on lui connaissait était âgée de 45 ans, habitait Romsée et était
originaire d’Autriche où elle est née à Graz. Ce détail peut éventuellement
donner une nouvelle tournure à l’enquête dont le Parquet de Liège a été saisi.
Pour l’instant, la police, de son côté, se refuse à tous commentaires. »
Tout
en faisant glisser une allumette sur le frottoir de la boîte d’allumettes,
Georges Béranger ralluma le tabac de sa pipe qu’il avait laissé s’éteindre. Il
eut des frissons, en songeant que Maurice Albert Colombani avait toujours été
considéré comme de sa famille et, alors qu’un grand malaise le parcourait en
songeant au drame qui venait de se passer, le téléphone sonnait !
C’était
Mottet !
*
* *
La
dernière fois que les deux hommes s’étaient rencontrés remontait au jour d’Halloween,
la veille de la Toussaint, voici de cela huit jours. Georges et Jeanne s’étaient
rendus au cimetière du Sart-Tilman, à Angleur. Étant donné que Georges n’avait
jamais voulu acheter de voiture, ce fut Maurice Albert Colombani qui, comme
chaque année, était venu chercher le couple.
Le
cimetière du Sart-Tilman ayant deux entrées, l’une située au-dessus et l’autre
en-dessous de sa longueur, on commençait toujours par le haut. Ce n’était pas
pour mieux voir le paysage aligné de tombes, mais pour avoir plus facile pour
descendre avec les brosses et les sceaux qu’en montant. Il fallait aussi compter
avec le poids de chaque pot d’un ou de deux chrysanthèmes.
Georges s’était
incliné, en soupirant, sur la tombe de l’enfant mort-né de sa nièce, de Simone
et de Joseph ; Béranger avait été voir la tombe de sa marraine, à gauche,
toujours en ruines ; en descendant, il atterrit enfin devant la tombe de ses
parents, située devant un mur humide, que personne ne venait entretenir.
À la
sortie du cimetière, Maurice Albert Colombani avait attendu le couple, tout en
bavardant avec le fossoyeur. Ensuite, ils avaient repris la route. Tante Louise
Mottet les avait attendu un certain temps, semblait-il, à la façon dont elle
parlait de sa poule !
Roger
aussi avait fait son devoir, comme tous les ans, à la Toussaint ;
maintenant, beaucoup accomplissaient cette corvée la veille, le jour d’Halloween.
Mottet avait toujours été habitué à ce que sa femme aille fleurir les tombes
des gens qu’elle connaissait, sinon celles de gens qu’elle n’avait jamais
rencontrés de sa vie. Et, comme chaque année, c’était l’éternel « déjeuner d’Angleur
».
Il y a
huit jours, donc, tout avait été parfait. L’air était vif, avec, sur Angleur,
des nuages qui annonçaient de la neige pour les prochains jours. Tante Louise n’arrêtait
pas de se lever ou de s’asseoir pour chercher quelque chose qu’elle croyait
avoir oubliée alors que ça se trouvait devant elle, bien à sa place. La maison
aux volets rouges et blancs, à la grille
d’entrée aux longues et étroites barres de métal rigides et droites, de mêmes
couleurs, et étudiée pour interdire l’entrée de la villa aux importuns : tout
respirait le bonheur d’être ensemble !
*
* *
Aujourd’hui,
huit jours après ces délicieux moments, il n’était plus question du bonheur d’être
ensemble, ni de volet en rouge et blanc, ni de manière de vivre, mais de la
façon de mourir. Pourquoi avait-on tué le jeune Colombani ? L’homme qu’était
Georges Béranger se posait tellement de questions, que, pour finir, il ne
savait plus à laquelle il devait répondre.
Au
téléphone, la voix de Mottet criait si fort qu’elle en était devenue agressive
au point d’avoir été entendue de la cuisine ; Jeanne entrouvrit la porte
pour demander qui était au téléphone. Béranger ne lui répondit que par un vague
signe de la main qui semblait dire : « Tu le sauras toujours assez tôt ! »
Mais, la voix de Mottet poursuivait, comme méchante : « Dis-moi, ce n’est tout
de même pas parce que je l’ai traité de morveux qu’il s’est suicidé ? ».
Béranger,
l’air grognon, tournait la tête dans tous les sens pour éviter le regard de
Jeanne. Ce mot prononcé tout bêtement, au déjeuner d’Angleur, rue du Commandant,
la semaine précédente, allait-il peser lourd dans la balance ? Colombani s’était-il
suicidé ou avait-on maquillé sa mort en suicide ? Tout le monde savait que Colombani
avait une petite copine qu’il ne fréquentait que dans le centre de Liège. Ça faisait
sourire Mottet. En revanche, lorsqu’on parlait d’un cocu à Angleur, tout le
monde disait : Mottet !
Ce
jour-là, un os de la poule de tante Louise entre les mâchoires, une serviette
blanche en tissu sur les genoux et un verre de Margaux à la main, Roger Mottet
avait ironisé :
— Ah !
Tous ces jeunes qui croient aux fées parce qu’une femme leur ont souri…
— Parle
pour toi, avait dit Colombani.
— Il y en
a un qui ferait mieux de se taire, en tout cas, avait soupiré Louise en
regardant son homme.
— Tu
penses ! ajouta à son tour Béranger observant Mottet ironique.
On avait
voulu passer rapidement à autre chose : il était trop tard ! Ce fut Roger
Mottet, qui avait enfoncé le clou d’avantage, en disant qu’on ne pourrait
jamais lui reprocher d’avoir été fainéant à la Bibliothèque de la commune où il
avait un rôle assez important.
Il y était
le chef !
Son ménage
était le plus uni d’Angleur et ce n’était pas les paroles de ce petit morveux
de Colombani qui avait l’air d’insinuer qu’il était cocu qui changerait quoique
ce soit ! Si tout le monde savait qu’il était trompé, il l’avait su avant tous
les autres, contrairement au dicton.
Le mot
avait été lâché : morveux !
Roger
Mottet en avait-il voulu à Colombani de l’avoir traité de cocu au point de le
tuer ?
*
* *
On ne peut
pas dire que toutes les familles se ressemblent ; cependant, beaucoup sont
faites sur le même moule que les familles Mottet et Béranger. Il y en a
toujours d’autres, bien sûr, qui viennent se greffer sur l’arbre à un moment ou
à un autre. Béranger se souvenait avec précision du coup de sonnette et de la
voix criarde de tante Louise qui disait : « C’est Jean-Marie ! ».
Il s’agissait,
en fait, de l’oncle Jean-Marie Roussélien et de sa femme Élizabeth que tous surnommaient
« Élizabeth II », tellement la ressemblance avec la Reine d’Angleterre était
frappante. Colombani et Roussélien parlaient généralement de littérature ou de
musique. Il fut un moment où les deux hommes parlèrent Histoire. Roussélien
avait remis en mémoire à Colombani un texte sur Napoléon d’une édition
Larousse.
Lors du
déjeuner d’Angleur, le jeune Maurice avait questionné Roussélien : « Vous aimez
bien cette espèce-là, Monsieur ? »
Roussélien
avait répondit à Colombani :
––Je me
souviens simplement de l’en-tête du texte et des premières lignes, Maurice ! On
y lisait, comme si cela coulait de source : Nous
nous trouvons en face de l’homme dont la destinée est considérée, à tort ou à
raison, par le monde entier, comme la plus fulgurante réussite de tous les
temps. Rappelons simplement, poursuivait le texte, que Napoléon, grand capitaine et maître du monde, savait s’incliner
superficiellement devant l’esprit universel de Goethe.
Roussélien
avait inséré « superficiellement » et, aujourd’hui, Béranger se demandait si
cela avait déplu à Colombani ou à un autre convive. Roussélien avait poursuivi
en affirmant : « C’est sans doute pour
cela que le bon sens populaire a toujours désigné Napoléon comme le premier des
grands hommes, celui qui a séduit les foules ainsi qu’elles le sont par les
divinités. »
Tante
Louise avait ironisé. Maigre et petite, au teint pâle, aux cheveux blancs,
obsédée par les représentations nues exécutées au fusain qui recouvraient
chaque mur, pour combler le vide de sa maison sans enfants, on la moquait
souvent à cause de son petit rire enfantin. Maurice continua à manger le reste
de poule d’un air absent, préoccupé, semblait-il, par ce texte officiel que l’homme
obèse avait récité plusieurs fois à son intention.
Quand le
déjeuner touchât à sa fin, tante Louise proposa que l’on passât au salon.
Maintenant encore, alors que Mottet venait de raccrocher excédé parce qu’on ne
lui répondait pas, Georges Béranger se souvenait avec difficulté du déroulement
de l’après-midi. Ses doigts n’étaient-ils pas devenus blancs dans le fauteuil
au cuir usé des Mottet ? N’y avait-il pas eu un vide, un flottement, pendant un
temps ? N’avait-il pas deviné des rires et des chuchotements amusés entre
Louise et Élizabeth II ?
Ils
étaient tous réunis dans le salon et parlaient fort. Les effluves des
nombreuses bouteilles de vin, qui furent vidées pendant le déjeuner, et celles
des liqueurs sur des verres aux petits pieds pour les dames et des alcools
servis dans des verres à dégustation pour les hommes, en étaient les causes.
C’était
Maurice Albert Colombani qui avait sorti les alcools en disant : « Ce serait
pécher que de n’en boire pas, hein ! » Là, dans cette drôle de famille,
Béranger se le rappelait, on était allé jusqu’à dire que Maurice n’aurait
jamais de métier. Personne n’était au courant des affaires des autres. Personne
ne savait que Maurice Colombani faisait des études de droit.
On ne se
sentait pas chez Mottet comme chez soi ; personne ne comprenait les
autres. Les femmes seules semblaient dans leurs éléments. Elles parlaient
couture, magazines de mode, prix de la vie : « Quand je songe au prix des
chrysanthèmes les autres années Élizabeth ! Maintenant, pour une potée, on n’a
plus rien ! On aurait peur de devoir fleurir ses morts. Moi, si ce n’était pas
à cause des voisins… »
Ben,
voyons !
Roger
Mottet s’était tourné un instant vers Jeanne et lui avait dit : « Votre mari
devrait ouvrir son bureau de tabac, le dimanche, les personnes s’y promènent
assez bien ce jour là ! Si j’étais vous… »
Béranger
savait que Mottet l’enviait. Georges
était indépendant et n’avait de comptes à ne rendre à personne. À la bibliothèque, bien qu’il fût chef, Roger
Mottet devait justifier son emploi du temps.
Et,
Béranger l’avait appris incidemment, il arrivait plusieurs fois par semaine à
Mottet de pleurer en rentrant du travail. Louise n’avait pas eu peur de crier
sur les toits : « Mes petites crottes, si vous saviez, Roger et moi ! La
plupart du temps, lorsqu’il rentre de son travail, il s’assied près de la
fenêtre, et me demande un verre ou deux de péket[1] avant de
sortir pour aller s’enfermer dans son cagibi au fond du jardin ! Il était tout
autre, autrefois, quand il était dans la police ! »
En effet,
Béranger se souvenait vaguement que Mottet avait été commis aux écritures à
Liège. C’était là qu’il avait connu Louise Fontaine, qui devait devenir Mme
Mottet. Il avait toujours eu un air sombre. Ses cheveux bouclés lui donnaient
presque un air distingué. Pendant ses fiançailles, sans penser plus loin que le
bout de son nez, il se promenait avec une amie de bureau, à sa gauche et la
future Mme Mottet, à sa droite.
Un jour,
Louise Fontaine avait ironisé : « Dis-moi, Roger, c’est elle ou moi ! » Elle l’avait
poussé à devenir bibliothécaire à Angleur, lorsqu’ils avaient habités la rue du
Commandant. À l’époque, il ne fallait pas de diplôme. Mais, avec un peu de
courage, il aurait pu gravir les
échelons afin de gagner plus. Louise avait envie d’acheter une maison. Là
encore, Louise avait dû tempêter pour qu’il fasse un prêt et l’achète.
Il avait
fallu l’aide de Maurice Albert Colombani qui avait des « relations », lui ! La
phrase habituelle de Mottet, lorsqu’elle reparlait de l’achat de la maison,
était : « Nous avons bien le temps, hein, Louise ! » Et, le jour où elle avait
réussi à obtenir le prêt, il avait demandé, toujours sur le même ton : «
Comment as-tu fait pour avoir ce prêt, Louise ? »
Elle s’était
démerdée, sans plus. Il fut bientôt de notoriété publique que Colombani
couchait avec la vieille Louise Mottet ; c’était de bonne guerre :
« Tu as ton prêt, moi j’ai besoin de ça, tu comprends ? » Elle avait
vite compris. Pour ne pas mettre Maurice dans son tort, Louise Mottet avait
fait la connaissance de la petite amie
de Colombani, bien qu’elle en fût jalouse.
Elles
allaient souvent manger une pâtisserie dans le salon de thé de la rue Renory.
Voilà huit jours, Mottet avait dit par fanfaronnade : « J’ai su avant
tout le monde que j’étais trompé, je n’ai pas attendu qu’on me le
dise ! »
*
* *
Tant
Louise n’avait pas fait de frites, mais des pommes de terre au four, le tout
accompagné d’une salade à la vinaigrette.
Soudain,
après la première bouchée, le carillon de la porte d’entrée sonna.
C’était tante Esther et oncle Josserand.
— Mes pauvres
enfants ! s’était exclamée une voix dans le hall d’entrée.
— On
mange, grinça Louise. Faites comme chez vous mais laissez-nous bouffer. C’est
une belle poule et elle doit se manger chaud…
En fait,
elle avait fait deux poules.
— Tu sais
cuisiner comme une reine…
— Je n’achète
pas des surgelés, moi.
— Ne sois
pas méchante, Louise, mais…
— Pose tes
fesses et tais-toi !
Personne n’avait
levé la tête de son assiette, quand Esther était venue embrasser sur le front
ceux qui étaient attablés et quand elle avait tendu la joue pour recevoir une
réponse. D’abord la poule, les pommes de terre, la salade. Elle allait bien
devoir supporter ces deux branques tout l’après-midi. Si en plus on l’empêchait
de manger, il n’était pas certain que ces ploucs restassent longtemps à l’emmerder.
Jeanne et
Georges mangeaient en silence, presqu’au ralentit. Les intrus avaient dû
attendre trois quart d’heure avant de pouvoir demander : « Tout le monde a été
au cimetière ? »
La
question qui faisait peur à celui qui n’avait pas été « sur les
tombes ! »
*
*
*
Aujourd’hui,
on allait dire, en apprenant la mort de Colombani :
–– Le
pauvre garçon !
Pourquoi
pauvre ? C’était seulement maintenant qu’il était heureux, le soi-disant pauvre
garçon ! Il n’aurait plus à faire le chauffeur pour toute la famille.
Esther
dirait, à voix basse :
––Maurice
était avec nous la semaine dernière et personne n’a rien remarqué de spécial
dans son comportement ? Louise non plus ? Où est-elle ? Elle doit être
brisée, aujourd’hui ! Roussélien et lui ont parlés normalement d’Histoire ou de
Littérature, non ? Louise a fini par faire la vaisselle… Comme toutes les
années aussi, Mottet a montré son cagibi à la famille… Tu dois être resté à
fumer ta pipe dans un fauteuil ? Quant à tes enfants, Roussélien…
— Quoi ?
dirait ce dernier.
— Ils n’étaient
pas là, souviens-toi : on ne les a pas vus de tout l’après-midi. Le matin,
c’était normal, il ne faut pas forcer des jeunes gens à se rendre sur les
tombes… Mais, l’après-midi… ces jeunes auraient dus vous accompagner…
–– Vous ne
les avez même pas excusé… Georges Béranger était dans ses rêves et
personne n’eût pu dire ce à quoi il pensait, lorsque le café fût servi.
*
* *
Le
téléphone allait peut-être servir à quelque chose.
— Allô,
Roussélien ? Ici, Béranger ! Quel drame, en effet, si jeune ! Je te téléphonais
pour savoir si tu étais au courant, et, bien entendu, pour saluer ta petite
famille… Mon filleul est là ?
C’était le
plus âgé : Benoît. À peu près le même âge que Maurice Colombani. Coureur de
jupons. La semaine dernière, il n’accompagnait pas ses parents. Son jeune frère
non plus. En revanche, le chauffeur de la famille, Maurice Albert Colombani,
lui, était bien présent. Qui couchait avec Alida Kaczmarek, quand Colombani
était absent ? Etienne, le plus jeune des fils Roussélien devait faire le guet
et se voyait récompensé par Benoît.
Béranger
aurait voulu n’avoir pas compris. Était-il possible que son filleul ait tué
Colombani pour une histoire de cul ? Et comment s’y était-il pris ? Benoît
avait la possibilité de rentrer déjeuner tous les jours. Et Colombani ? Revenir
de l’Université du Sart-Tilman juste pour manger, c’était pousser l’amour un
peu loin ? Mais Benoît, puisqu’il n’allait pas à Ulg, pouvait s’envoyer en l’air
avec Alida Kaczmarek. Comme quoi, l’Autrichienne…
— Bonjour
parrain, dit Benoît, en saisissant le combiné du téléphone, un peu surpris d’être
salué par son parrain.
— Dis-moi,
mon grand, j’ai des ennuis par ta faute…
— Hein ?
— Si tu
savais le nombre de jeunes filles qui me demandent pourquoi elles ne t’ont pas
vues le jour d’Halloween… Avec tout ça, moi, je passe pour un con… J’ai dit que
je te téléphonerais et que…
—
Dis-leur, parrain, que je les massacre si elles t’embêtent encore…
— Je ne
tiens pas à mourir à présent, la Toussaint est passée ? Je n’aurais même pas un
chrysanthème sur ma tombe… Au fait, tu es au courant pour ton ami Colombani ?
— Qu’est-ce
qu’il a encore fait, celui-là… À part prendre les filles des autres…
— Il ne le
fera plus, il est mort, gamin !
— Quand
? Comment ? Un accident ?
–– Il est
mort ce matin. Tu n’es pas au courant ? Ton père ne t’a rien dit ?
— Voilà
que je rentre. Comment est-ce arrivé ?
–– Tu dois
le savoir mieux que quiconque, non ? Alida aussi, mon grand. On tue
souvent par amour ou par ce qu’on croit être de l’amour… Tu saisis… Ce ne sont
pas toujours les mêmes qui prennent les filles des autres… Imbécile, va !
Béranger
ne laissa pas son filleul répliquer et il raccrocha brusquement. Jeanne l’interrogeait
du regard. Béranger forma un nouveau numéro sur le cadran.
— Allô !
dit une voix endormie.
— Willy ?
Ici, Béranger ! Est-ce que le vieux est dans le coin ?
Un silence. Des déclics, une voix rauque.
— Mercier ! Je suppose que si tu me déranges…
— Si je te
dérange, M. le commissaire, c’est que je connais l’assassin de Colombani.
— Oh ! Qui
c’est ?
— Quelqu’un
de ma famille…
Béranger
raconta la possibilité qu’avait Alida Kaczmarek et son filleul d’avoir tué
Colombani.
–– Tu sais
pourquoi ? dit Mercier.
––
Histoire de cul, probable ! Renseigne-toi !
–– Il ne
vous a pas conduit au cimetière, la
semaine dernière ?
— En
effet, expliqua Béranger, mais, ce jour-là, Halloween a fait de fameux dégâts
et la jeune fille Autrichienne et mon filleul ont décidés de se débarrasser de
Colombani… Le soir du « Déjeuner d’Angleur », ils ont mis sur pied la
mort de Colombani pour aujourd’hui… Ils en avaient marre de Maurice…
« À
mon avis, ce matin, ils ont attendu que Mme Duquenoy soit allé faire
son marché pour entrer dans l’immeuble puis dans l’appartement de Colombani… Ce
n’est qu’une supposition... À toi de jouer, commissaire ! Ah ! si possible ne
parle de moi qu’à la toute dernière extrémité, tu veux ?
Il fallut
5 heures à Mercier pour arracher les aveux de Benoît Roussélien. La concierge
fut inquiétée, puisque le règlement de l’immeuble interdisait la visite de
jeunes filles aux jeunes gens. Alida Kaczmarek eut beau essayé de clamer son
innocence, rien n’y fit. On passa d’avocat en avocat… Le père Roussélien était
atterré... Son fils aîné ! Seul un fait apparut : on en voulut à Georges
Béranger d’avoir éclaboussé une famille qui, pourtant, s’éclaboussait bien
toute seule !
Liège, Belgique, septembre 1969
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